Les musiques et « stigmates » du Pfifferdaj commencent à peine s’effacer que nous démarrons « déjà » les vendanges. Le 8 septembre est en effet à nouveau une date précoce. Après cet été caniculaire ponctué de quelques pluies tombées, certes en faible quantité, mais de façon quasi idéale, nous espérons que les vents catabatiques soufflant sur les terroirs de Ribeauvillé auront été suffisants pour aider à préserver la fraîcheur des raisins. Parce que le sujet de l’année est bien la question de la tenue et de la gestion de l’acidité
Mardi 8 septembre 2015
La journée est douce et le ciel légèrement voilé. Traditionnellement nous attaquons par les Crémants, Pinot Noir en premier pour le Crémant Rosé et le Crémant Blanc de Noirs. Les raisins sont bien entendus sains et mûrs. Certaines bais sont petites et auraient bien pu profiter de quelques précipitations supplémentaires. Au pressoir, ce qui frappe est le côté tannique des moûts de la Cuvée. Cela se calme ensuite lorsque l’on goûte les tailles. Avec 11.8% d’alcool potentiel nous sommes dans la fourchette haute, mais cela reste gérable.
Mercredi 9 septembre 2015
Une très belle journée d’automne avec un ciel d’une grande pureté pour de magnifiques couleurs… La journée sera consacrée aux Pinots des bordures du vignoble proches de la forêt. Il est en effet hors de question de risquer une aggravation des dégâts dûs au gibier. Un véritable fléau…Par rapport à la veille nous constatons une augmentation du degré moyen des raisins. Le vent, les nuits fraîches et le soleil y sont pour beaucoup.
Jeudi 10 septembre 2015
Journée très agréable marquée par un vent du nord. Les températures sont vivifiantes le matin mais augmentent dans l’après-midi pour atteindre 25°C. Des conditions idéales pour conserver les raisins mais aussi pour vendanger. Nous restons sur le Pinot Blanc et sur l’Auxerrois. Les maturités ont encore progressé. Il apparaît de plus en plus que cette année consacrera les vignerons aux talents d’équilibristes avérés : il faudra être très précis dans la gestion des équilibres alcool/sucres résiduels/acides. Ceci sera d’autant plus vrai lorsque l’on cherche à produire des vins secs.
Vendredi 11 septembre 2015
Persistance des belles conditions anticycloniques. Compte tenu des relevés de maturité réalisés, nous décidons de faire une journée de Pinot Gris. Ceux-ci sont dans un état parfait. Un régal pour les vendangeurs qui peuvent couper sans se poser de questions. Au vu des premiers raisins rentrés en matinée nous décidons de monter sur le Grand Cru Kirchberg. Bon choix, les pépins des raisins sont bruns (signe de maturité phénolique atteinte). Avec 13.3% d’alcool potentiel mesuré sur les raisins, les vins auront une bonne structure alcoolique et il devrait être possible de les amener sur des équilibres de vins équilibrés et gustativement secs.
Lundi 14 septembre 2015
La fin de semaine a été bien moins calamiteuse que ce qui avait été annoncé. Nous nous en tirons avec 23 mm de pluie, dont 20 mm en 15 minutes dimanche soir. La journée est douce et assez ensoleillée. Une averse vers 15h00 vient doucher les ardeurs dans les vignes. Elle ne sera que de courte durée heureusement. Ce lundi sera donc une journée de transition. Il est en effet hors de question de faire une pause. Les raisins sont mûrs. Il faut avancer. La journée sera dédiée au Sylvaner et à quelques restes d’Auxerrois. Au pressoir les moûts sont nets et francs. Les Sylvaner s’expriment de manière magnifique sur des notes de pamplemousse et d’ananas. Rien d’étonnant à cela compte tenu de la belle maturité des raisins et de leur état sanitaire parfait.
Mardi 15 septembre 2015
Journée grise. Les températures ont chuté. C’est une très bonne chose. Cela ralentira le développement du botrytis éventuel. Compte tenu du niveau d’humidité dans l’air et de l’état des pellicules des raisins le risque est certain. Nous démarrons sur le Grand Cru Osterberg, dans les Riesling. L’objectif étant de proposer un vin sec, il faut éviter tout excès de maturité. Les raisins sont mesurés à 13.7° à leur réception sur le quai. La belle maturité des raisins permet d’envisager un pressurage long et doux de plus de 8h30. Cela permettra d’accéder et d’extraire les minéraux présents dans la périphérie de la pulpe non loin de la peau. Ceux-ci pourront participer à l’équilibre alcool-sucres-acides. En sortie de pressoir, le moût est à 13.5°. Cette stabilité est le signe de raisins rigoureusement sains et exempts de botrytis. Les jus se goûtent très bien sur de belles notes fruitées. La tension que l’on retrouve en bouche sur ce Grand Cru est bien perceptible. Au vu de l’été sec et des températures caniculaires qu’ont eu à subir les coteaux de ce Grand Cru, nous redoutions des problèmes de maturation. Il n’en a rien été, bien au contraire. Les dolomies présentes dans les sous sols de ce terroir doivent y être pour quelque chose en ayant assuré un apport d’humidité pendant les phases les plus sèches du cycle de maturation. Nous glissons ensuite à quelques encablure de l’Osterberg, sur le Hagenau de Ribeauvillé (à ne pas confondre avec le Haguenau de Bergheim). Rappelons que nos parcelles du Hagenau reposent sur une roche mère constituée de marne et de conglomérat argileux de l’Oligocène. En surface se trouvent des limons argilo-sableux calcaires devenant plus caillouteux à certains endroits. La roche calcaire sous-jacente, fissurée ou conglomératique, constitue une réserve d’eau importante. Sa structure et sa pierrosité favorisent la pénétration racinaire. S’ils sont parfois difficiles à labourer, ces sols résistent en revanche bien à l’érosion. Les maturités mesurées dimanche sur les 4 cépages se tiennent dans 0.5°. Sachant que dans ces cépages il y a des cépages comme le Gewurztraminer et le Sylvaner aux comportements très différents, cette similitude des niveaux de maturité est rassurante. Il n’y a aucun cépage « à la traîne », aucun cépage dont le niveau de maturité serait à compenser par une maturité plus élevée d’autres cépages mûrissant plus facilement. Non, tout est mûr et bien mûr. L’ensemble des parcelles est récolté et pressé simultanément. Là aussi, nous visons clairement un vin sec, pour tenter de démontrer qu’il peut y avoir des vins d’assemblages secs et complexes.
Mercredi 16 septembre 2015
Il fait plus doux, la journée démarre sous une petite bruine se transformant en averse vers 11h. A partir de là, retour progressif du beau temps avec un temps lourd et chaud dans la fin d’après-midi. Le début de matinée sera fera dans le Muehlforst. Les coteaux du Muehlforst, situés sur une butte entre Ribeauvillé et Hunawihr, se caractérisent par des sols profonds marno-calcaires sur un substrat de Muschelkalk (calcaire coquillier). Ils permettent de produire des vins de belle matière, tendus par une large structure et exprimant un agréable caractère fruité. Les moûts goûtés au refractomètre présentent bien cette structure si particulière en bouche. Le reste de la journée nous récoltons les Muscat, une première parcelle de Pinot Noir et quatre parcelles de Pinot Gris. Nous avançons en raison des prévisions météo qui nous annoncent une dépression très creusée accompagnée de fortes pluies. Wait and see…
Jeudi 17 septembre 2015
Grosse pluie dans la nuit et jusque vers le début d’après-midi. Nous restons à la maison pour la journée. 26 mm sur le pluviomètre. En journée les températures chutent à nouveau. Une bonne nouvelle compte tenu du niveau d’humidité ambiante. Les Muscats sont éraflés, mis en macération pelliculaire et finalement pressés.
Vendredi 18 septembre 2015
Retour de conditions sèches sous des températures assez douces. En attendant que les sols des parcelles aient le temps de sécher nous restons sur des sols accessibles sans grandes pentes. Dans ces conditions, le fait de n’avoir que des vendangeurs « à pieds » par opposition aux lourdes machines à vendanger qui compactent et détruisent les sols, est un gros avantage. De la même manière le fait de sortir les raisins des rangs de vignes à l’aide d’une très légère chenillette hydrostatique exerçant une très faible pression sur le sol permet d’intervenir rapidement après la pluie sans dommages pour les sols. La journée est dédiée au cépage Riesling dans l’appellation Alsace ainsi qu’à quelques Auxerrois et Pinot Blanc. Sur ces raisins très mûrs nous pouvons nous permettre d’appliquer des cycles de pressurages longs de manière à favoriser le contact jus/pellicules et à assurer un bon transfert des arômes et composants de la peau des raisins.
Lundi 21 septembre 2015
La semaine démarre sous un beau soleil. Les températures fraîches le matin grimpent rapidement à des valeurs très agréables. Compte tenu des prélèvements réalisés dimanche dans le Grand Cru Kirchberg nous décidons logiquement de nous atteler à ces parcelles. Les Riesling sont récoltés en premier suivis des parcelles de Pinot Blanc. Rappelons que ces derniers ne peuvent prétendre à l’appellation Alsace Grand Cru dans la mesure où ils ne font pas partie de la liste des cépages autorisés pour le Kirchberg. Nous en faisons un très beau « Ribeauvillé », tendu, gras, fruité et avec une belle fin de bouche minérale. Revenons aux Riesling : je ne me souviens pas avoir vu sur une même vendange une telle combinaison d’un état sanitaire parfait et d’une maturité aussi aboutie. Les jus issus du réfractomètre que je ne peux m’empêcher de goûter pour me faire une idée du style de vin que cela pourrait donner m’étonnent par leur structure « carrée » en bouche. Les tannins participent clairement à l’équilibre cette année. La journée est terminée dans le Rotenberg. L’idée pour ce terroir, est de ne pas attendre trop longtemps pour avoir un vin ayant encore de la fraîcheur en bouche pour équilibrer le caractère exubérant du Gewurztraminer.
Mardi 22 septembre 2015
La journée commence sous un beau soleil. Une averse viendra ternir les conditions de l’après-midi. Le cépage Pinot Noir est récolté sur les coteaux autour de Ribeauvillé. Avec un degré moyen de 14°, ils sont largement mûrs. Plus tard nous démarrons dans les parcelles donnant la cuvée Steinacker. Là aussi les maturités sont bien affirmées. Le Steinacker sera dans son style : ouvert avec une rondeur à peine perceptible et un bel équilibre.
Mercredi 23 septembre 2015
Journée humide Les prévisions étaient bien meilleures que le temps qu’il a fait. Nous écourtons notre journée après avoir récolté quelques Gewurztraminer et une autre parcelle du Steinacker. Inutile de s’entêter alors que les belles conditions anticycloniques arrivent.
Jeudi 24 septembre 2015
Retour de belles conditions ensoleillées. La légère brise permet de bien sécher à la fois les sols et les raisins. De belles conditions pour monter au Grossberg avec ses Pinot Noir. La journée continue ensuite sur le Grand Cru Osterberg sur le cépage Pinot Gris et finira dans le Trottacker. Les conditions météo idéales combinées avec un excellent état sanitaire des raisins nous permettent d’avancer avec un bon rythme. Les choses sont bien plus simples lorsqu’il n’est pas nécessaire de trier les raisins.
Vendredi 25 septembre 2015
Encore une très belle journée. Nous terminons la semaine sur le Hagel et ses gneiss du précambrien, parmi les roches les plus anciennes que l’on puisse trouver sur Terre. Un terroir qui n’a jamais vu les dépôts maritimes contrairement aux autres entités géologiques situées à l’est de la faille vosgienne. Nous relevons à nouveau des dégâts liés aux oiseaux et au gibier. C’est la principale difficulté pour ces parcelles situées non loin des limites avec la forêt. La journée se terminera dans le Steinacker sur des pentes moins fortes.
Lundi 28 septembre 2015
La fin de semaine était magnifique : ensoleillée et avec un léger vent du nord parfait pour préserver l’état sanitaire des raisins et favoriser la concentration par passerillage c'est-à-dire évaporation de l’eau présente dans les baies. Dans ces conditions tout est concentré : les sucres bien entendu, mais aussi, et c’est très important, les acides, sans oublier les minéraux et les tanins assez présents sur ce millésime. La journée est dédiée au Gewurztraminer, dans les petites parcelles réparties dans le vignoble. Les derniers jours ont été très bénéfiques pour ce cépage. Il a en effet grandement gagné en expression aromatique.
Jeudi 1er octobre 2015
Il fait toujours frais le matin (3°C). Les conditions de beau temps anticyclonique se maintiennent sous un vent persistant de Nord-Est. Nous avions laissé une parcelle de Riesling au cœur du Grand Cru Kirchberg. C’est par là que nous démarrons la journée. Nous devrions sortir une très belle Vendange Tardive de ces raisins partiellement atteints de botrytis. La journée continue dans une parcelle de Pinot Gris située sous le Grand Cru Osterberg. Les raisins sont très sains, quelques-uns sont atteints de pourriture noble, mais l’on constate surtout l’effet de passerillage induit par les vents du Nord-Est. L’après-midi sera passée dans le Grand Cru Osterberg. Les Gewurztraminer dont la peau est épaisse restent en bon état. Nous constatons à nouveau la belle progression aromatique de ces raisins par rapport à celle d’il y a 10 jours.
Vendredi 2 octobre 2015
Il fait plus doux. Il n’a plus de vent. La rosée est de retour au sol le matin. Il fait toujours aussi beau. Nous attaquons les dernières parcelles de Gewurztraminer avec l’objectif d’en faire des Vendanges Tardives. C’est le Gruenspiel qui ressort le mieux avec le plus fort taux de botrytis. Les argiles de ce terroir ont certainement permis un développement harmonieux des raisins alors que le temps sec sévissait. Enfin nous terminons la journée et les vendanges dans des parcelles de chasselas.
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