Avant tout, revenons sur l’année écoulée qui nous a à nouveau réservé des éléments très contrastés. Commençons par l’hiver : cela sera rapide, nous n’avons pas eu de réel hiver. Les températures ont été douces et seuls quelques jours ont eu des températures négatives. Le repos végétatif a donc été très court pour les plantes. Le manque de gel n’a pas permis aux sols labourés de se désagréger. Les températures clémentes l’ont aussi été pour les ravageurs des plantes.
Le débourrement très précoce dans les premiers jours du mois d’avril a tout de suite été suivi par une période anormalement sèche. Le mois le plus sec aura été le mois de juin avec 15 mm de pluie sur Ribeauvillé. La floraison a pu se dérouler globalement dans de bonnes conditions. Seuls quelques cépages (Riesling par exemple) ont eu des soucis de coulure et donc de mise à fruit. Des situations de stress hydrique ont ensuite pu être observées sur les vignes les moins bien enracinées et sur les jeunes vignes. Fin juin les paysages se rapprochaient plus de ce que l’ont peut voir dans le sud de la France que de nos paysages verdoyants. La suite a été tout aussi extrême avec des mois de juillet et août très humides (139 mm resp.73 mm de pluie). La nature a pu reprendre sa croissance et les fauchages et rognages ont été très tardifs.
Alors que le débourrage et la floraison nous laissaient entrevoir des vendanges très précoces, certains parlaient même de fin août, l’été frais et humide a ralenti la maturation des raisins de sorte qu’une partie de l’avance à été perdue. Les vignes sont encore très vertes. Grace à un très beau début du mois de septembre l’état sanitaire est globalement bon. Il convient pourtant d’être très vigilant compte tenu de l’humidité ambiante et des températures douces.
Lundi 15 septembre 2014
Le ban des vendanges est ouvert depuis le 3 septembre pour les Crémant, et depuis ce matin pour l’appellation Alsace.
En ce qui nous concerne, nous attaquons les Crémant ce matin. Récoltés sur les piémonts des coteaux, ceux-ci sont en général plus tardifs que ceux récoltés en plaine.
Il fait beau, doux le matin et assez chaud dans l’après-midi (24°C). Des conditions idéales pour démarrer et roder une équipe de vendangeurs. Rappelons que les raisins entrant dans l’élaboration du Crémant d’Alsace ne peuvent être récoltés qu’à la main.
Après quelques Pinot Noir qui donneront les Crémants Blanc de Noirs et Rosé, viennent les Chardonnay, Pinot Blanc, Auxerrois et quelques Riesling pour l’assemblage du Crémant Blanc.
Au pressoir, les moûts sont vifs et structurés, avec de beaux arômes.
Cette première journée est encourageante pour la suite…
Mardi 16 septembre 2014
Les conditions météorologiques sont toujours aussi estivales.
Pour démarrer dans l’appellation Alsace, nous cherchons les Pinot Blanc et Auxerrois issus des parcelles proches de la forêt. Les dégâts de gibier restent en effet un souci pour nos récoltes. Les plans de chasse ne semblent pas affecter grandement les populations de cervidés et de sangliers dont les dynamiques de population sont particulièrement vigoureuses. C’est ainsi plus de 3 ha qui sont « mis à l’abri ». L’état sanitaire des raisins est très bon. Les moûts sont vifs et aromatiques.
Mercredi 17 septembre 2014
Il fait toujours très beau et chaud.
Compte tenu des prélèvements réalisés sur les parcelles, nous décidons de faire un premier tour dans les Pinot Gris. Ce cépage a en effet tendance à prendre de la surmaturité assez rapidement ce qui complique la vinification si l’on veut obtenir des vins secs et équilibrés. Nous rentrons ainsi la moitié de la surface des Pinot Gris. Le solde sera récolté la semaine prochaine.
Durant l’après-midi une équipe de France 3 Alsace vient nous rendre visite pour réaliser un sujet sur les interactions entre les touristes et les vendanges. Une belle occasion pour expliquer notre travail et nos choix. Nous insistons particulièrement sur notre système de chargement des pressoirs par gravité : les cuves pleines sont montées sur le toit et vidées dans un entonnoir à plan incliné de sorte que les raisins ne chutent pas mais glissent dans les pressoirs. Un moyen simple, facile à nettoyer, souple à mettre en œuvre tout en préservant l’intégrité du raisin. De la vigne avec les vendanges manuelles jusqu’au pressoir, tout est fait pour avoir des moûts les plus clairs et faciles à clarifier (débourbage statique).
Jeudi 18 septembre 2014
Encore une belle journée chaude d’automne.
Nos parcelles de Gewurztraminer des piémonts des coteaux se retrouvent bien isolées au milieu de parcelles qui ont déjà été vendangées. Elles constituent une attraction de choix pour les étourneaux. Nous décidons donc de les mettre à l’abri. Dans la foulée, les Muscat sont récoltés dans l’après-midi. Ce cépage aux arômes très caractéristiques gagne à ne pas être récolté trop tard afin de lui permettre d’exprimer tout son fruit. Ces raisins sont éraflés et mis à macérer pendant quelques heures de manière à pouvoir mieux extraire les arômes présent dans les peaux des raisins.
Vendredi 19 septembre 2014
Persistance des bonnes conditions météo.
Nous restons dans les Pinot aujourd’hui. Pinot Blanc d’une part, et Pinot Noir d’autre part. Des conditions pluvieuses sont annoncées pour la soirée et la fin de semaine. Il serait dommage de laisser les Pinot Noir subir ces précipitations. La décision aura été la bonne : dès le milieu d’après-midi un orage venant du sud nous conduit à rentrer un peu plus tôt que prévu. L’essentiel aura été assuré. Les Pinot Noir de l’appellation Alsace sont au sec.
Lundi 22 septembre 2014
La fin de semaine a vu des précipitations assez élevées : 15 mm. Heureusement les températures ont chuté. La journée démarre sous un grand soleil. Ces conditions étaient annoncées mais nous n’osions croire aux prévisions.
Nous retournons dans nos parcelles de Pinot Blanc dans la matinée. Ces raisins ont étonnamment bien résisté aux précipitations de la veille. L’après-midi est consacré au Rotenberg, terroir sur sols calcaires à oxydes de fer sur lequel nous produisons en général d’étonnants Gewurztraminer à la fraîcheur citronnée.
Mardi 23 septembre 2014
Une journée d’une luminosité que seules des journées d’intersaison peuvent nous donner dans la région. Les températures ont toutefois chuté. C’est une excellente chose pour trois raisons au moins : D’une part, pour les vendangeurs, les conditions seront plus agréables. Nos vignobles constitués à 85% de vignes sur coteaux ont une exposition idéale pour les raisins mais le corollaire est qu’il y est plus difficile d’y travailler lors de belles journées ensoleillées. Par ailleurs, la baisse de température permettra d’enrayer toute velléité de développement du botrytis dont quelques foyers ont pu être détectés. Enfin nous espérons que ces conditions seront fatales au développement d’une nouvelle espèce invasive d’insecte, la mouche Suzukii, qui a pour mauvaise habitude de s’attaquer aux fruits rouges, même s’ils ne sont pas mûrs. Ces attaques nous obligent à effectuer un travail de tri soigné principalement sur quelques parcelles de Gewurztraminer.
La journée est consacrée au Gewurztraminer en appellation Alsace, et au Hagenau. Ce terroir, pour lequel un dossier de demande d’accession au niveau 1er Cru sera déposé par le Syndicat Viticole de Ribeauvillé, est situé dans le prolongement du Grand Cru Osterberg vers le Nord. Il est constitué de pentes moyennes orientées vers le sud-est. Les sols sont assez profonds. Notre objectif est de produire un vin sec et charpenté avec une belle complexité aromatique.
Mercredi 24 septembre 2014
A nouveau une belle journée d’automne.
Nous décidons de récolter une partie des Riesling et cela nous occupera toute la journée, Jusqu’à l’arrivée d’une petite ondée en fin d’après-midi. A noter que les raisins sont petits, les baies en général pas très grosses. Cela nous donne des grappes très bien aérées ce qui se traduit par un état sanitaire parfait. La "mer" de grappes de Riesling étalées dans le pressoir est un plaisir pour les yeux.
Jeudi 25 septembre 2014
Les excellentes conditions météorologiques se maintiennent.
La journée est dédiée au Gewurztraminer. Des départs de pourriture noble sont présents dans certaines parcelles. La richesse en sucre des raisins s’en ressent immédiatement. Compte tenu des caractéristiques des raisins nous entrevoyons de très beaux équilibres sur ces vins pour ce millésime.
Vendredi 26 septembre 2014
Toujours des conditions estivales.
La Cuvée Ribeauvillé est vendangées. Il s’agit d’une cuvée 100% Pinot Blanc issue des coteaux. Ce cépage a très bien résisté jusque là, mais commence à lancer quelques signaux de détresse. Sur ce vin nous privilégions le côté fringuant et agréable, et n’estimons pas nécessaire de devoir attendre la surmaturité des raisins. Le pressurage est rapide (6 heures tout de même !).
Le reste de la journée, nous rentrons le Trottacker. Ce coteau exposé sud-est, soumis à une bonne aération et aux sols profonds nous livre des raisins d’une grande fraîcheur. La jeune sélection massale implantée il y a quelques années commence à tenir ses promesses : des petits raisins sain et de bonne maturité. Sur ce vin nous recherchons volume et ampleur. Le cycle de pressure est long et doux afin de permettre d’extraire le glycerol produit dans les baies et conférant au vin gras et volume.
A noter que le Syndicat Viticole de Ribeauvillé est entrain de préparer un dossier d’accession à l’appellation 1er Cru pour le Trottacker.
La fin de semaine est belle et ensoleillée. L’été est enfin arrivé et installé.
Lundi 29 septembre 2014
Après cette magnifique fin de semaine nous avons à nouveau droit à une très belle et chaude journée.
Les prélèvements effectués dimanche ont indiqué que le Grand Cru Osterberg est mûr sur le cépage Pinot Gris. Il est donc récolté.
Nous passons ensuite sur le Gruenspiel (autre candidat à l’accession à l’appellation 1er Cru). Un peu de botrytis est présent sur les grappes comme souvent sur ce terroir. Les degrés montent.
Tous les ans, nous avons un comportement assez similaire de l’évolution des maturités des raisins. Après une relativement longue période où les maturités évoluent doucement, nous notons un point d’inflexion. A partir de cette date les maturités commencent à augmenter en flèche. Il convient alors d’être rapide si l’on veut rentrer des raisins pour des vins secs. Il semblerait que nous soyons rentrés dans cette période d’évolution rapide des degrés d’alcool potentiel depuis ce matin. A suivre dans la semaine pour voir si cette impression se confirme.
Mardi 30 septembre 2014
Une petite averse matinale nous rappelle la chance que nous avons eue jusqu’à présent avec la météo.
Compte tenu de cela nous nous replions sur les Sylvaner de nos vielles vignes. Nous n’avions pas touché à ces parcelles pour avoir une solution de repli en cas de météo incertaine. Ces Sylvaner sont somptueux : mûrs, mais juste ce qu’il faut, et surtout d’un état sanitaire parfait. Une grande satisfaction à nouveau.
Le début de soirée est marqué par une averse dont la vigueur (9 mm) n’avait pas été annoncée par les prévisionnistes. Elle sera sans conséquences en ce qui nous concerne. Tout était à la maison au sec.
Mercredi 1er octobre 2014
La nuit a été calme et a permis au feuillage et aux raisins de sécher. La journée est belle et douce à nouveau.
Nous démarrons sur les piémonts des coteaux dans les Riesling pour la cuvée Steinacker. Compte tenu du bel état des raisins, de la charge modérée et de leur maturité nous entrevoyons à nouveau un très beau Steinacker dans son style enjôleur et fruité.
Nous continuons dans le Grand Cru Kirchberg et les Pinot Gris. Notre objectif : un vin sec avec le gras en bouche typique du Pinot Gris et présentant la fraîcheur du Grand Cru Kirchberg. Ces Pinot Gris sont les derniers que nous rentrons sur ce millésime. La question de savoir pourquoi des raisins issus d’un terroir classé Grand Cru sont récoltés tardivement alors que l’on veut élaborer un vin sec est justifiée. La réponse est simple : les qualités demandées à un terroir pour obtenir la reconnaissance en Grand Cru ne sont pas uniquement celles de donner des raisins très mûrs. C’est plus subtil que cela. Ce que l’on cherche n’est pas tellement la forte maturité des raisins, mais des raisins aptes à donner des vins de longue garde aux arômes complexes. Pour arriver à cela il faut un terroir où la période entre la floraison et la récolte est la plus longue possible de manière à avoir le plus grand nombre de cycles de variations de températures entre le jour et la nuit. Plus il y a de cycles plus les arômes deviennent complexes. Pour le potentiel de garde, ce terroir doit présenter des températures nocturnes suffisamment fraîches afin d’éviter de « brûler » trop d’acidité. Le Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé présente toutes ces caractéristiques.
Jeudi 2 octobre 2014
Persistance du beau temps. Le feuillage des vignes est entrain de changer de couleur. Les paysages du vignoble deviennent superbes.
La totalité de la journée est consacrée au Riesling. D’une part sur le Steinacker, lieu-dit des bas de coteaux. D’autre part sur le Grand Cru Osterberg dont l’intégralité des surfaces de ce cépage est récoltée. Nous arriverons à l’équilibre recherché pour ce vin.
Vendredi 3 octobre 2014
Il faut toujours chaud et ensoleillé.
Nous terminons le Steinacker. Au vu des résultats mesurés sur les 3 pressoirs, le Steinacker sera à nouveau dans son équilibre habituel : Un vin ouvert au nez avec, en bouche, du volume et un léger sourire…
Lundi 6 octobre 2014
La fin de semaine a été très belle. Seule une très courte averse dimanche en fin d’après-midi ternit légèrement le tableau. Il tombera 2 mm. Ce lundi démarre dans une atmosphère maussade, mais le soleil revient très rapidement. Il fait toujours relativement doux.
Compte tenu des incertitudes quant aux conditions météo de la semaine nous décidons de nous attaquer au Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé qui est avalé dans la journée. Quelques baies de raisins sont au stade pourri plein, d’autres ont un stade plus avancé vers botrytis cinerea sous sa forme noble. Les raisins sont mûrs sans excès. Ce Kirchberg devrait pouvoir être élaboré dans son style habituel : Tension, densité et volume…
Mardi 7 octobre 2014
Une journée grise et humide le matin. Heureusement que le vent arrive en fin de matinée pour sécher les feuilles des vignes.
Les Riesling du Hagel et du Muehlforst sont vendangés en début de journée par deux équipes distinctes. Les personnes agiles montent dans le Hagel, le reste de l’équipe se consacre au Muehlforst. Dans l’après-midi, nous montons dans les Gewurztraminer du Grand Cru Osterberg. Compte tenu du temps chaud et humide qui se profile, nous voulons préserver l’état sanitaire des raisins.
Mercredi 8 octobre
Encore un début de journée humide. Un soleil légèrement voilé revient très rapidement pour assurer une dernière journée de vendanges dans de bonnes conditions.
Nous attaquons la journée dans une petite parcelle de chasselas. Nous continuons ensuite dans le Grossberg, autre terroir de Ribeauvillé pour lequel le Syndicat Viticole de Ribeauvillé prépare un dossier de demande de reconnaissance en 1er Cru. Les Pinot Noir sont mûrs et dans un très bon état sanitaire ne nécessitant qu’un léger travail de tri sur quelques grappes. Ces raisins seront vinifiés en rouge, avec une extraction plus marquée que pour les raisins de l’appellation Alsace. L’élevage se fera en barriques comme tous les millésimes depuis le millésime 2000.
Le journée, mais aussi les vendanges 2014 se terminent dans le Grand Cru Osterberg
18 jours de vendanges et quasiment 18 journées estivales. Quasiment pas de précipitations. Tout le monde rêvait de telles conditions après l’été frais et humide. Nous pouvons dire que ce millésime aura été sauvé par le mois de septembre…
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