412 : Voilà certainement un nombre qui va vous intriguer. Ce que je peux simplement vous dire est que ce nombre est commun aux millésimes 2007 et 2008. Que veut-il dire ? A quoi correspond-il ? Je vous laisse chercher et deviner. Réponse à la fin des vendanges pour ceux qui auront eu la patience de suivre ce nouveau récit au jour le jour de nos vendanges. N’hésitez pas à m’envoyer vos réponses sur listes (a) sipp.com !
Mercredi 24 septembre
Après une nuit froide et étoilée ponctuée par les manifestations sonores du brame du cerf dans nos forêts vosgiennes, nous attaquons cette belle journée de manière classique par les Crémants. Certains pourraient se demander pourquoi cette date si tardive ? Il y a en effet plus d’une dizaine de jours que les premières maisons démarré la récolte des raisins destinés aux Crémants à grands coups d’effets médiatiques. Non nous n’avons pas un microclimat arctique sur Ribeauvillé ! Non nous n’avons pas oublié de commencer non plus ! Simplement cette date qui peut paraître tardive est le résultat d’un choix très clair : celui de vouloir élaborer nos Crémants à partir de raisins mûrs ! Nous visons en effet des maturités de l’ordre de 11° à 11°5 pour nos raisins de manière à avoirs de beaux arômes mûrs et de belles acidités. Objectif atteint à 100% aujourd’hui sur les Chardonnay et Pinot Noirs que nous avons rentrés entre 11° et 12° Voilà qui commence plutôt bien...
Jeudi 25 septembre
La journée est grise et fraîche. Une très courte averse dans l’après-midi nous fait craindre le pire mais heureusement le vent s’est rapidement levé pour tout sécher.
Cette journée est à nouveau exclusivement consacrée aux Crémants : Nous terminons la récolte des Pinot Blanc et Noir.
Les acidités des moût vendangés la veille se montrent assez élevées. Cela montre bien qu’il est possible de combiner maturité et acidités mûres et qu’il n’est pas utile de récolter des raisins « verts » pour élaborer de beaux vins de base Crémant ayant de la structure et de la fraîcheur.
Vendredi 26 septembre
Superbe journée ensoleillée et légèrement venteuse.
Suite à d’importants dégâts causés par une population de sangliers non maitrisée, nous décidons de rentrer les Pinot Blanc et Auxerrois des parcelles du haut des coteaux et situées à la lisière de la forêt.
Lundi 29 septembre
Nous redémarrons après un week-end aux nuits froides et étoilées et aux journées ensoleillées et légèrement venteuses. Ces conditions météorologiques sont idéales pour assainir les quelques départs de pourriture qu’il pourrait y avoir eu et pour concentrer les raisins. Les contrôles de maturité effectués dimanche le montrent bien : nous gagnons actuellement allègrement plus d’un degré par semaine. Sur certaines parcelles il va falloir intervenir rapidement au risque d’avoir des vins déséquilibrés.
La journée est consacrée aux Pinot Blanc et Gris ainsi qu’à l’Auxerrois. Les Pinots sont récoltés dans les parties les moins précoces de notre vignoble : en altitude sur le haut des coteaux, mais aussi sur les versants nord des collines entourant Ribeauvillé et Bergheim. Ils sont tout simplement superbes et nous donnent des moûts d’une grande pureté et d’une rare race (en raison de la présence d’une belle acidité mûre). Les Auxerrois des pieds de coteaux présentent une richesse en sucre équivalente à 13.5 % d’alcool. Ceci est parfait pour atteindre l’équilibre que nous visons pour ce vin. Si les levures ne nous jouent pas un mauvais tour nous aurons donc, comme chaque Auxerrois que nous sortons, un vin fruité avec une rondeur naturelle assumée et équilibrée par une fraîcheur qui lui évitera toute lourdeur. Les aficionados de notre Auxerrois me comprendront. Pour les autres, il va falloir trouver une occasion pour goûter ce vin. N’oubliez pas que maintenant venir en Alsace est bien plus facile depuis que le TGV (que nous avons largement financé !!) arrive au pied de nos vignobles…
Mardi 30 septembre 2008
La journée est fraîche et grise. Un vent froid se lève dans l’après-midi. C’est une journée charnière et décisive avant une dégradation de la météo qui pourrait arriver dans la nuit. Les prévisions que nous consultons ne sont pas convergentes mais le risque de pluie nocturne semble se préciser. Au vu des contrôles de maturité effectués sur les Pinot Gris montrant de belles maturités nous décidons de consacrer cette journée exclusivement à ce cépage. J’ai l’habitude de dire que ce cépage est mûr à 10h00 du matin et surmûri à 14h00. Nous sommes dans des conditions où ce phénomène peut se produire. Les peaux des baies de ces raisins ont en effet été rendues fragiles et poreuses par les enzymes qui vont de pair avec le développement de la maturité. Le moindre vent ou coup de chaud pourrait maintenant aboutir à une augmentation très rapide de la concentration en sucre. A contrario, de fortes pluies pourraient avoir l’effet inverse. Avec un degré moyen de 13,4%, nous sommes en plein dans l’objectif fixé pour pouvoir produire des Pinot Gris secs, racés et non enrichis. Comme l’état sanitaire a pu être préservé, la pureté aromatique que nous recherchons toujours devrait être aussi en rendez-vous. Dans la soirée les pluies annoncées arrivent et nous confortent dans notre choix.
Deux mots sur « 412 » : ce nombre n’est pas symbolique. Cela aurait pu être 410 ou 415. Un indice : à une valeur de 200, je serais très inquiet en ce moment.
Mercredi 1er octobre 2008
Les prévisions annonçant de la pluie pour la nuit étaient exactes. Elles ont été très faibles heureusement (entre 3 et 4 mm). Notre microclimat nous a à nouveau bien protégés. Le vent faible mais bien présent a aussi bien aidé à assécher le feuillage de sorte que les Pinot Blanc rentrés le matin d’une parcelle entamée lundi dernier ne montrent aucun recul de la richesse en sucre. Le gros de la journée est consacré au Muscat. Deux variétés de ce cépage sont récoltées : le Muscat d’Alsace blanc et rouge et le Muscat Ottonel. Cette année, la récolte est de très faible quantité. Le Muscat est en effet un cépage très sensible aux conditions météorologiques régnant lors de la floraison. Cette année, elles n’ont pas été des plus favorables ce qui a entraîné de la coulure. L’état sanitaire est bon et les arômes bien présents dans les baies. Nous en profitons aussi pour récolter les premiers chasselas, un raisin assez méconnu mais qui donne des vins fruités, légers et désaltérants.
Jeudi 2 octobre 2008
Cette journée est caractérisée par une alternance têtue de très belles périodes ensoleillées et de brèves giboulées. Ces conditions ne nous incitent pas à entreprendre de grands projets. Nous nous limitons en matinée à chercher des petites parcelles en Chasselas, Sylvaner et Pinot Blanc nécessitant une sortie des raisins des parcelles à la hotte. L’après-midi est marginalement plus clément et nous incite à plus de hardiesse ! Nous réalisons un programme Pinot Noir des milieux de coteaux. La problématique du Pinot Noir en nos contrées septentrionales est assez simple : il nous faut combiner un état sanitaire parfait avec de grandes maturités phénoliques. Chaque jour de plus que nous attendons est un pas vers plus de maturité mais avec le risque d’une dégradation de l’état sanitaire. Nos vignes de Pinot Noir sont schématiquement situées à trois endroits : Un premier lot se trouve sur les contreforts des coteaux. Ces raisins entrent en général dans les assemblages de Crémant. Ils sont en effet mûrs assez tôt avec donc un risque de dégradation de leur état. Un deuxième lot se trouve sur les coteaux mais exposé au nord. Ces vignes sont peu vigoureuses, les situations sont bien aérées ce qui facilite la tenue d’un état sanitaire parfait, et leur orientation nord retarde la maturation ce qui est tout à fait favorable à la formation de beaux arômes. Ce sont ces Pinot Noir que nous avons récoltés aujourd’hui dans la Straeng. Les dernières parcelles se trouvent sur le Grossberg, coteaux jouxtant le Grand Cru Kirchberg et très bien exposés au Sud Ouest. Nous envisageons de les récolter la semaine prochaine.
Vendredi 3 octobre 2008
Les prévisions météo restent incertaines. Les averses annoncées sont fort heureusement quasi inexistantes, mais les températures sont extrêmement basses, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Dans le doute nous nous tenons au programme élaboré la veille : Sylvaner le matin, et Riesling des piémonts de coteaux dans l’après-midi. Cette première parcelle de Riesling servira de parcelle test avant d’attaquer les Riesling du Steinacker. Il nous est en effet important de constater « en grandeur nature » comment se goûtent ces moûts et comment s’équilibrent maturité et acidité. Ce test est concluant et nous permet d’envisager de rentrer les parcelles des graves du Steinacker dès que les conditions météorologiques seront stables et sèches.
Le week-end démarre avec une matinée de samedi humide, mais sera finalement beau, frais, sec et ensoleillé. Un fort vent se lève dimanche soir. C’est bon pour évacuer l’humidité des raisins et les concentrer par évaporation de l’eau (phénomème connu sous le nom de passerillage), mais cela risque aussi de faire tomber les grappes les plus mûres au sol. Les contrôles de maturité effectués dimanche nous assurent de pouvoir continuer à vendanger de belles matières : Steinacker, Pinot Gris Grand Cru Osterberg, Trottacker, Grossberg ont atteint les niveaux de maturité souhaités. Les Pinot Noirs au Grossberg sont dans un état quasi parfait, les Pinot Gris et Riesling présentent les premières traces de botrytis sous sa forme noble. Les dates de récolte dépendront d’un grand nombre de facteurs : la météo en premier, mais aussi l’état des sols (il est en effet impossible de rentrer dans des coteaux pentus si les sols sont trop humides et glissants), le moral et l’état de l’équipe de vendangeurs et même les conditions locales de circulation pour accéder aux parcelles…
Lundi 6 octobre 2008
Les pluies annoncées pour la nuit ne sont heureusement pas arrivées jusqu’à nous. Le plan B qui prévoyait une tournée dans les dernières parcelles de Sylvaner non récoltées est oublié. Nous fonçons vers les piémonts des coteaux dans le Steinacker (avec ses graves à inter couches argileuses) et nous attaquons aux Riesling. Les parcelles sont soit peu vigoureuses mais saines et mûres soit plus vigoureuses avec du botrytis sous sa forme noble. Dans ces dernières, les degrés d’alcool potentiels dépassent 14% sur certaines zones. Les vins issus du Steinacker s’expriment en général avec un nez très expressif et beaucoup de générosité en bouche. Nous attribuons ceci à la présence régulière botrytis sur les raisins à raison de quelques pourcents. Cette année ne devrait pas déroger à la tradition. Nous entrevoyons en effet des vins avec une belle générosité, une grande pureté aromatique et une belle trame de fraîcheur.
Sur un tout autre plan, nous notons depuis quelques jours un changement de couleur des vignobles qui sont passés du vert à des nuances jaunes et dorées. Les nuits froides de la semaine ont laissé des traces. D’un point de vue pratique, cela nous facilite grandement les choses : les raisins sont beaucoup plus visibles. Sur un autre registre les paysages dans lesquels nous évoluons sont magnifiques…La photo ci-dessous prise dimanche 5 octobre en est une illustration.
Mardi 7 octobre 2008
Une belle journée est annoncée avant une possible dégradation mercredi. Nous décidons donc de nous occuper du Pinot Gris Grand Cru Osterberg que nous souhaiterions vinifier en vin sec et du Pinot Noir Grossberg. Mais avant d’attaquer ces parcelles, nous commençons dans les parties basses des coteaux sur des Riesling et Pinot Blanc. Cela permet à l’Osterberg et au Grossberg de bien sècher. Dans l’après-midi une légère averse nous fait redouter le pire mais elle sera de très courte durée et sans incidence sur les raisins. Le fait de ne pas effeuiller à outrance les vignes a aussi cet avantage. Les maturités relevées sur l’Osterberg nous donnent raison : mesuré à 14°3% d’alcool potentiel il était grand temps que nous récoltions ce Grand Cru. A noter la présence de quelques grains atteints de pourriture noble. Le Grossberg est récolté en deux parties : la partie basse d’une part et la partie haute d’autre part. Les vignes du haut sont mieux exposées et moins vigoureuses que celles du bas du vignoble. Seuls les raisins du haut de ce coteau iront donc dans le vin du Grossberg. Le raisins du bas iront quant à eux rejoindre notre cuvée de base dont ils constitueront une très bonne base.
Mercredi 8 octobre 2008
La journée est douce avec de belles périodes ensoleillées et sans précipitations. Les conditions sont réunies pour monter au Hagel : les sols ne sont ni trop secs ni détrempés et offrent une belle adhérence et la journée est annoncée sans précipitations. Rappelons que les vignobles du Hagel sont constitués de pentes très fortes sur lesquelles ont été aménagées des terrasses à certains endroits. Le socle géologique est granitique. Comme tous les ans, seuls les vendangeurs en bonne condition physique sont autorisés à monter. Pour les autres, c’est la pause pour quelques heures. L’état sanitaire des raisins est bon. Nous aurions souhaité pouvoir attendre quelques jours encore pour parfaire la maturation mais le gibier et les oiseaux auraient tout récolté avant nous. Cette année la pression du gibier est énorme et les pertes importantes.
Jeudi 9 octobre 2008
A cette date l’année dernière, nous terminions les vendanges avec soulagement mais surtout dans une grande décontraction suite à la très belle période dont nous avions profité.
Cette année, il nous reste environ 40% du vignoble à vendanger. La météo est plus capricieuse et changeante. Mais objectivement les conditions ne sont pas mauvaises du tout. La conjonction des températures faibles et du vent est très favorable cette année. Des conditions idéales en fait pour une formation d’arômes complexes dans nos cépages aromatiques qui ont besoin d’une longue période de maturation avec des alternances de périodes chaudes et froides.
Cette journée grise et maussade est mise à profit pour terminer de vendanger nos Sylvaner. Ceux-ci sont tout simplement magnifiques : la maturité est au rendez-vous, l’état sanitaire quasi parfait, mais surtout ils sont excellents à manger ce qui est un très bon signe !
La première partie du Pinot Blanc Ribeauvillé est ensuite récoltée. Sur ce vin, nous recherchons une expression (peut-être un peu extrême !) d’un vin sec et racé. Nous essayons de tirer profit de la caractéristique de nos coteaux à pouvoir maintenir de belles acidités dans les raisins que nous ne cherchons pas du tout à masquer dans ce vin. Nous veillons simplement à ce que celle-ci soit issue d’un fruit mûr et donc constituées principalement d’acide tartrique, l’acidité noble des vins.
Vendredi 10 octobre 2008
Belle journée. De la brume le matin puis, le soleil arrivant, une belle montée des températures. Au programme de la journée : Pinot Blanc Ribeauvillé et Gewurztraminer. Le Pinot Blanc Ribeauvillé de ce jour est issu de deux parcelles situées dans le Grand Cru Kirchberg. Ce cépage ne fait pas partie des cépages que nous pouvons revendiquer en appellation Grand Cru. Ces vignes ont été plantées avant la délimitation et l’accession du Kirchberg à l’appellation Grand Cru. Les raisins sont mûrs et partiellement atteint de pourriture noble comme souvent sur ce terroir venteux qu’est le Kirchberg. Ils présentent toujours de très beaux niveaux d’acidité. Ceci est principalement lié à deux facteurs : d’une part la nature du sol (le calcaire présent aide à préserver l’acidité), et d’autre part les vents frais soufflant les soirées d’été refroidissent ce coteau et empêche une dégradation trop rapide de l’acidité.
Le reste de la journée est destiné à préparer la suite du programme. Nous « testons » un certain nombre de parcelles de Gewurztraminer pour évaluer le potentiel du vignoble à évoluer vers de la pourriture noble gage de belles Vendanges Tardives et Sélections de Grains Nobles. Les réponses seront analysées parcelle par parcelle afin de déterminer la suite du programme.
Lundi 13 octobre 2008
Journée douce voire chaude avec un soleil légèrement voilé. Dans un premier temps, nous terminons de rentrer les Riesling du secteur du Muehlforst. Rien ne presse, ils sont en parfait état sanitaire et constituent une bonne mise en jambe pour la suite du programme pour laquelle les enjeux sont assez importants en terme de style et d’équilibre des vins. Le Rotenberg sur ses calcaires rouges nous livrera ses Gewurztraminer botrytisés. Sauf accident, ce vin sera fidèle à lui-même : tout en ampleur et en souplesse. Pour la suite nous attaquons le Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé et ses Pinot Gris. Cette parcelle a subi un léger effeuillage début septembre de manière à permettre une bonne aération des raisins. Les raisins les moins avancés en maturité ont été éliminés à cette occasion. La parcelle se présente donc en parfait état avec un état de maturité homogène pour tous les raisins. Notre objectif est ici de réaliser un Kirchberg bien typé : un vin sec, avec de la structure mais aussi du gras. Pour cela il nous est interdit de laisser « filer » la maturité par effet de concentration lié au passerillage ou au botrytis. Nous visons donc un niveau de maturité entre 13 et 14%. Objectif atteint puisque nous arrivons entre 13.5 et 14% avec un très bel état sanitaire. Compte tenu du bel état des raisins nous choisissons un programme de pressurage long favorisant un bon contact des jus et des peaux des baies. La journée se termine enfin sur le Trottacker qui est volontairement rentré plus haut en concentration : entre 15 et 15.5%. Nous en profitons pour faire réaliser des constats de Vendanges Tardives sur raisins afin d’être parés en cas de forte montée des degrés lors du pressurage par extraction des jus très concentrés des baies en surmaturité, assez nombreuses dans le cas du Rotenberg et du Trottacker. Cette journée se termine parfaitement : les objectifs en terme de niveaux de maturité étaient très clairs dans nos esprits. Le suivi régulier de ces maturités lors des derniers jours nous a permis de viser juste pour la récolte, ce qui n’est pas toujours tout à fait évident sur Pinot Gris.
Mardi 14 octobre 2008
La journée est belle. Quelques rares passages nuageux permettent d’éviter que les températures ne montent de trop. Nous mettons cette journée à profit pour nous attaquer aux liquoreux. Une petite équipe rodée est menée par Martine et s’en va réaliser une Sélection de Grains nobles sur une parcelle de Pinot Gris habituée à nous présenter un beau botrytis. Le résultat : après un pressurage doux de plus de 11 heures, nous obtenons un moût (presque un sirop en fait) présentant un degré d’alcool probable de l’ordre de 23.5% ! Les bases d’un « Cœur de Tries » 2008 sont posées. Le reste de l’équipe emmené par Simone part dans le Gruenspiel (un autre haut lieu du botrytis dans notre vignoble) pour récolter une Vendange Tardive sur Gewurztraminer dépassant les 17% d’alcool probable. En passant, nous en profitons pour faire un premier saut dans le Grand Cru Osterberg qui atteint aussi le niveau requis pour les Vendanges Tardives et nous terminons les parcelles de Pinot Gris sous le Grand Osterberg qui seront aussi validées en Vendanges Tardives. Ce millésime semble assez propice aux liquoreux : le botrytis se présente sous une forme pure et l’acidité est bien présente dans les moûts ce qui devrait nous donner des vins fins et équilibrés, deux facteurs importants dans l’appréciation d’un vin liquoreux. Rappelons enfin que les règles de production de ces vins nous interdisent tout enrichissement artificiel. Le formalisme et les contrôles mis en place vous garantissent donc d’authentiques vins liquoreux naturels.
A l’issu de cette journée et compte tenu de l’état des raisins (pour lesquels rien ne presse) mais aussi des prévisions météo nous décidons de marquer une pause dans les vendanges pendant 2 jours.
Vendredi 17 octobre 2008
Nous reprenons après cette pause de 2 jours. Les pluies annoncées la veille ont été au rendez-vous. Le temps sec accompagné de vents la nuit a permis aux raisins et au feuillage de sécher. Les températures ont fortement chuté. La journée est consacrée aux parcelles de Gewurztraminer présentant un départ de botrytis de manière à pouvoir produire des vins moelleux avec la mention Vendanges Tardives. Le développement du botrytis n’est pas fulgurant cette année. Cela pourrait être lié à l’épaisseur des peaux des baies qui est assez importante et est donc difficilement rendue poreuse par les réactions enzymatiques liées au botrytis. Les phénomènes physiques de concentration des sucres par évaporation de l’eau (passerrillage) ont du mal à se mettre en place. A noter aussi que les taux d’extraction sont faibles. En d’autres termes les raisins ne sont pas très juteux. L’après-midi est consacré au Grand Cru Osterberg dans lequel nous récoltons les Riesling. Les contrôles de maturité effectués dans les parcelles montrent que les degrés ne progressent plus depuis plusieurs jours. Par ailleurs, les raisins ont tendance à tomber. Quelques très rares baies atteintes de botrytris (stade rôti) sont notées et dans l’ensemble les raisins sont magnifiques : petits avec des baies bien écartées les unes des autres. Ce vin sera un délice pour les amateurs de sensations fortes - pardon - de vins secs et racés !! La fin de semaine qui s’annonce sera ensoleillée et froide. Un temps parfait pour nous !
Lundi 20 octobre 2008
Les conditions météorologiques de la fin de semaine ont été conformes aux prévisions : froides mais ensoleillées. Comme prévu nous attaquons la matinée sur le Kirchberg dans les Riesling. Ce terroir de Grand Cru, malgré son exposition sud-sud-ouest, est toujours vendangé très tard à la fin des vendanges. Cela signifie que pour ces raisins la période de maturation est très longue. Ceci est idéal pour former des arômes complexes. Cette apparente contradiction entre une exposition idéale et une maturation des raisins malgré tout très longue trouve une partie des explications dans le microclimat nocturne de ce terroir : ces coteaux sont en effet balayés par des vents frais soufflant de la vallée durant les nuits d’été. Au-delà de la maturation qui se trouve tempérée et ralentie, ces vents permettent aussi une meilleure conservation des acidités des raisins et enfin assurent un séchage des grappes rapide après la pluie ce qui évite tout développement de pourriture grise. Les vins issus de ces vignobles présentent donc beaucoup de vivacité, gage d’un grand potentiel de garde. Comme il y a souvent quelques pourcents de baies atteintes de botrytis pur et sain, les vins nous offrent des arômes de fruits mûrs, de fruits exotiques voire d’épices et présentent un beau gras en bouche. Cette année ne devrait pas déroger à la tradition. Les raisins sont bien mûrs, avec des traces de pourriture noble au stade « rôti » et une grande acidité. Nous avons toutes les cartes en mains pour réussir un Kirchberg racé et de grande garde.
Nous terminons la journée en continuant notre travail dans les Gewurztraminer Vendanges Tardives, qui, d’après les premiers constats, semblent avoir bien profité des journées ensoleillées de la fin de semaine.
Mardi 21 octobre 2008
Nous devions terminer de vendanger aujourd’hui mais vers 6h50, une courte mais forte averse (3 mm) à ruiné tous nos espoirs de sortie pour ce mardi mais aussi pour le mercredi journée de pluie annoncée cette fois-ci. Cette averse non prévue a surpris beaucoup de monde !
Mercredi 22 octobre
Les pluies annoncées sont tombées comme prévu : 18 mm ! Inutile de dire que nous sommes sagement restés à la maison en attendant des jours meilleurs prévus pour jeudi et vendredi avec le retour d’un régime nordique accompagné de basses températures.
Jeudi 23 octobre 2008
Comme prévu par les météorologues, le beau temps est de retour. Il fait froid, le ciel est d’une pureté cristalline magnifique. Compte tenu des bonnes perspectives météorologiques de cette fin de semaine, nous décidons de ne pas nous presser. Ainsi les sols ont le temps de ressuyer ce qui évite tout tassement très dommageable à leur vie microbienne. Les raisins ont très bien séché. Le vent froid de la fin de nuit a été très bénéfique et efficace.
Nous terminons de rentrer les Gewurztraminer Vendanges Tardives ainsi qu’une parcelle de Pinot Gris du haut du vignoble. Cette parcelle est étonnante par son état sanitaire. Les épaisses peaux des baies ont permis à ces raisins de rester en parfait état. Si parfait que la pourriture noble n’est pas arrivée à fragiliser ces peaux de sorte que les phénomènes de concentration soit par passerillage (évaporation de l’eau) soit par l’action du micro-organisme n’ont pas été très efficaces. La parcelle complétera noter Pinot Gris sec. La localisation en altitude a permis en outre de bien préserver les acidités.
Vendredi 24 Octobre 2008
Nous prenons goût à vendanger l’après-midi et terminons dans les Gewurztraminer de l’Osterberg qui sont rentrés avec un beau niveau de Vendanges Tardives. En général ces très vieilles parcelles, constituées de souches avec un patrimoine génétique très varié, nous donnent les Vendanges Tardives ayant le plus de densité, de profondeur et de fraîcheur.
Dimanche 26 octobre 2008
Nous terminons ces vendanges en famille avec 3 générations au travail : des Grands Parents aux petits enfants dont le plus petit a 2 ans, tout le monde s’affaire dans la dernière parcelle à vendanger : un délicieux chasselas. Le tableau est complet : nous avons droits aux incidents classiques d’une journée de vendange : petite coupure dans un doigt, éclaboussure de jus dans les yeux, c’est le métier qui rentre.
Revenons maintenant au « 412 »
La réponse a été donnée par un lecteur très inspiré et très rapide : 412 représente la quantité d’eau mesurée dans notre pluviomètre durant la période du cycle végétatif de la vigne et jusqu’au jour où nous avons commencé les vendanges. En 2007 comme en 2008 nous avons mesuré 412 mm. La région de Ribeauvillé fait partie des régions les plus sèches de France (avec l’arrière pays niçois) avec une pluviosité de l’ordre de 500 à 600 mm par an. Compte tenu des pluies du printemps et de celles à venir inévitablement durant les mois de novembre et décembre, il y avait donc fort à parier que le mois d’octobre devrait être relativement sec. C’est ce qui s’est passé l’année dernière et avait statistiquement une chance non négligeable de se produire. Et c’est ce qui s’est produit effectivement ! C’est pour cela que sans être euphoriques, nous étions relativement sereins quant à ces vendanges. Bravo à la sagacité de JJS de Belgique qui aura l’occasion de découvrir son cadeau dans les prochains jours : un Grand Cru de Ribeauvillé !
Etienne Sipp
Note : Toutes les photos mises en ligne sont celles que j'ai faites cette année. Elles font donc partie intégrante de ce témoignage. Je n'utilise pas mes archives pour ce récit des vendanges. Il me semble que cela participe au compte rendu du millésime.
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